Usage
● Alimentaire.
Comme indiqué plus haut les feuilles et les baies mûres de la plante ou des plantes de la même section ont un usage alimentaire dans de nombreux pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.
Pour la Morelle noire, Solanum nigrum L. stricto sensu, les usages et les appréciations sont diverses et pas toujours concordantes.
▪ En général les feuilles sont utilisées en légumes comme épinards en Australie, Cameroun, Ethiopie, Nigeria, Somalie, Tanzanie, Ouganda, en Amérique du Sud, voire en Crête et en Grèce. En Grèce, elles peuvent constituer un des légumes des Χόρτα (Horta), salades de légumes cuits abondamment arrosées d’huile d’olive, assaisonnées avec du citron et servies tièdes ou froides avec de la feta.
▪ Déjà dans l’antiquité, chez les grecs, les feuilles et les fruits de la Morelle noire étaient utilisés, les feuilles comme légumes et les fruits comme friandises : « Th. von Heldreich, Die Nutzpflanzen Griechenlands, Athen, 1862, p. 79, atteste qu'en Grèce, à la fin du siècle dernier, on consommait les parties vertes de cette plante comme légume et ses baies crues comme friandises, ce qui confirme parfaitement les dires de Théophraste, H. P. VII, 7, 2 («on mange la morelle même crue») (Amigues Suzanne, 1988, p.167 – 168)
▪ Au Nigéria et au Cameroun, les feuilles sont parfois préférées à d’autres légumes. Les inflorescences et les baies sont enlevées. Elles sont cuites ou bouillies. En général, elles sont bouillies dans plusieurs eaux qui sont jetées à chaque fois. Dans le sud-ouest du Nigeria, les fleurs sont ensuite utilisées comme condiment pour relever la soupe, ces fleurs ayant un goût très amer.
▪ Les fruits sont négligés en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, alors qu’en Amérique du Sud et en Asie, les plants de Myrtilles de Jardin (S. scabrum Miller, Garden Huckleberry) sont sélectionnés pour leurs fruits. (Source, R. Schippers, 1998, p. 11)
▪ Dans l’ouest du Kenya, les feuilles de Solanum nigrum L stricto sensu sont utilisées comme substitut à la viande. Elles sont cuites dans du lait. On presse le produit de cette cuisson et on le laisse sécher quelques jours jusqu’à ce qu’il devienne solide et prenne une couleur noirâtre. On en coupe des tranches réputées riches en protéines que l’on sert avec du manioc accompagné de légumes frais. (Source, R. Schippers, 1998, p. 10) Cette cuisson dans du lait que l’on expulse ensuite doit faire disparaitre les principes toxiques. Pour évacuer ces principes toxiques, une autre méthode est utilisée au Malawi (Sud de l’Afrique) on ajoute de la potasse ou de la soude, de la pâte d’arachide et du sel à l’eau dans laquelle on fait bouillir les feuilles de Morelle noire. La potasse est obtenue en filtrant les cendres de plants d’amarantes ou de haricots. [Thomo and Kwapata (1984) in Edmonds et Chweya (o.c., p. 57)]
▪ Cependant en Ethiopie, les feuilles de Solanum nigrum sont plutôt considérées comme un aliment de secours en période de disette, un légume et des baies sauvages utilisées à différentes périodes de l’année et au différentes étapes du manque d’autres ressources alimentaires (Site Ethiopia : Famine Food Field Guide) On indique sur ce site que les fruits et les feuilles de Morelle noire sont comestibles mais qu’ « en temps normal les baies sont ramassées par les enfants pour eux-mêmes tandis que durant les périodes de manque de nourriture, l’ensemble des gens touchés devront manger de ces baies. En plus de ces baies, les femmes et les enfants collecteront les feuilles qui seront cuites dans de l’eau salée et consommées comme n’importe quel autre légume. Mais les feuilles ont un goût amer. Par conséquent les gens cessent de les consommer quand d’autres aliments deviennent disponibles et que les cultures sont prêtes à être récoltées. Selon les paysans du Kosso, les plants de Solanum nigrum atteignent leur maturité avant que les maïs soient prêts à être moissonnés, ils sont utilisés pour faire la soudure. Si les feuilles de Solanum sont consommées régulièrement plusieurs fois par semaine, ces paysans indiquent qu’ils peuvent développer des douleurs d’estomac. Ces douleurs d’estomac sont causées par les glucoalcaloïdes toxiques solanine et solanidine. » (Trad. fr. JFD) Il n’y a donc aucun doute que pour les auteurs de ce guide, la Morelle noire est un légume de disette qu’il n’est pas question de consommer lorsque d’autres légumes meilleurs et plus sains sont disponibles.
▪ Pour terminer ce chapitre, voici la recette du Sanga.
C’est une recette camerounaise à base de Zom (Morelle noire, Solanum scabrum)
Ingrédients : 3 paquets de Zom, 500g de noix de palme, 2kg de mais frais en épis, sucre, piment.
◊ Détacher les feuilles de Zom de leurs tiges, les découper finement, puis les laver abondamment. Après le lavage, les mettre à cuire dans une casserole couverte et laisser cuire à la vapeur jusqu’à réduction complète de l’eau contenue dans les feuilles.
◊ Laver et égrener le maïs. Verser les grains dans la casserole contenant le Zom ajouter un peu d’eau, le piment et porter à ébullition à feu vif pendant 30 minutes jusqu’à évaporation complète de l’eau.
◊ Faire bouillir les noix, les piler afin d’obtenir leur pulpe. En extraire le jus en mettant la pulpe dans un récipient avec une quantité moyenne d’eau tiède, la pétrir et passer. Ajoutez le jus ainsi obtenu à la préparation et remuer énergiquement la composition à l’aide d’une spatule afin d’obtenir un mélange homogène.
◊ Faire cuire le mélange 20 à 30 minutes en remuant tout le temps pour éviter que le mélange n’adhère à la casserole. Lorsque le mélange devient épais, retirer la casserole du feu et servir.
Vu les incertitudes taxinomiques la question de savoir si une telle préparation serait comestible avec des feuilles de Morelles noires de nos contrées reste ouverte.
On remarquera qu’en Europe, à l’exception peut-être des pays méditerranéens, ce sont surtout les baies qui ont focalisé l’attention. Or, ce sont ces baies qui constituent les parties les plus toxiques de la plante avant qu’elles ne soient mûres. Par contre une fois mûres, elles perdraient cette toxicité et on trouve des sites proposant des recettes à base de ces baies bien mûres récoltées en France. Il semble se dégager des données diverses une constante : bien mûres les baies perdent leur toxicité. Par contre sur la toxicité des feuilles et l’évacuation des poisons par les préparations culinaires, les avis divergent, comme ils divergent sur la valeur nutritive des baies et des feuilles.